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Historique

Lorsque le président de la Société suisse d’espéranto lui annonça qu’il invitait le 2e Congrès international des espérantistes à Genève, Louis Lazare Zamenhof – l’initiateur de l’espéranto – lui répondit en ces termes :

« La Suisse qui, n’ayant pas une langue nationale, est le pays le plus neutre de toute l’Europe, se trouve être le meilleur endroit pour un congrès humainement neutre, et j’espère que tous les espérantistes s’y sentiront très bien. Je prévois même que viendra le temps où la Suisse deviendra le centre permanent naturel de l’ensemble des espérantistes. »

Genève deviendra effectivement le berceau du mouvement espérantiste international, au sein duquel des personnalités genevoises joueront longtemps un rôle de premier plan. A Genève, l’espéranto verra également se développer une vie locale particulièrement diversifiée.

Les pionniers

Tout commence véritablement en 1903 avec la fondation par Hector Hodler de l’Union des jeunes espérantistes de Genève, puis du Groupe espérantiste genevois par Edouard Mallet (ce dernier fondera en 1912 une autre société locale, le Nouveau club espéranto). Cette même année 1903, le conseiller d’Etat Thiébaud, lui-même espérantiste, représente le gouvernement genevois lors de la fondation à Rolle de la Société suisse d’espéranto (SES).

L’année suivante, Edmond Privat et Hector Hodler publient la revue La Juna Esperantisto, qui paraîtra jusqu’en 1909. 1904 voit également la fondation du Club Radio (présidé par Alf. Monod), destiné aux jeunes de 13 à 18 ans.

Hector Hodler

Hector Hodler

En 1905, au retour du 1er Congrès international des espérantistes, Zamenhof et sa femme Klara passent par Genève, où ils logent à la rue du Vieux-Collège chez Théodore Renard, secrétaire de SES et rédacteur de la revue Svisa Espero. Une plaque commémorative rappelant cette visite y sera apposée en 1934 à l’initiative d’Edmond Privat et de Pierre Bovet (cette plaque sera d’ailleurs rénovée en 1984, puis déplacée en 2009 en présence du maire de Genève). 1905 voit également la fondation de 2 sociétés locales : la Société d’espéranto La Stelo (« L’Etoile »), fondée et présidée pendant 16 ans par Henri Dubois (dont la fille prénommée Stella restera membre pendant plus de 50 ans) ; ainsi que le Groupe espérantiste de Carouge, fondé par Mlle E. Damont-Pichat.

Le 2e Congrès international des espérantistes se tient donc en 1906 à Genève – au Victoria Hall – avec 818 participants ; Privat en est le secrétaire général. Durant le congrès est fondée l’Association internationale scientifique d’espéranto qui ouvre un bureau à la rue Bovy-Lysberg ; René de Saussure, secrétaire de l’Association, est également rédacteur de l’Internacia Scienca Revuo de 1907 à 1910. En 1906 toujours paraît le premier « Manuel pratique de l’espéranto » d’Edmond Privat ; suivis en 1909 par « Karlo » et en 1911 par « Kursa lernolibro », les manuels de Privat seront adaptés en plus de 10 langues.

Théodore Renard

Théodore Renard

En 1907, Hodler reprend la rédaction de la revue Esperanto (fondée l’année précédente), qu’il conservera pendant 13 ans. Cette année-là, René de Saussure publie le premier de ses 9 projets de réforme de l’espéranto (il fera paraître le dernier en 1937). Mais il publie aussi en 1910 « La construction logique des mots en Espéranto », ouvrage fondamental dans lequel il présente sa théorie scientifique de la formation et dérivation des mots en espéranto (après l’avoir rejetée en 1913, l’Académie de l’espéranto finira par officialiser cette théorie en 1967). De Saussure sera également président de SES (1908-1911 et 1915-1917), ainsi que rédacteur de Svisa Espero (1909-1910 et 1916-1918).

Le mouvement international

Eduard Stettler

Eduard Stettler

1908 voit la fondation de la plus importante société internationale, l’Association universelle d’espéranto (UEA), par Hector Hodler (il en sera le directeur en 1910, puis le président en 1919), comptant dès la première année 1300 membres cotisants. Le bureau de l’UEA, d’abord situé à la rue Bovy-Lysberg, se déplacera de 1909 à 1919 à la rue de la Bourse.

En 1909, Henriette Ith-Daneil fonde le Groupe espérantiste ouvrier genevois. Cette même année voit le Bernois Eduard Stettler venir à Genève pour seconder Hodler à l’UEA, dont il sera notamment vice-directeur (de 1910 à 1919), directeur (jusqu’en 1924) et président (de 1920 à 1924, puis de 1928 à 1934) ; Stettler sera également président de SES à deux reprises (1911-1913 et 1927-1932).

1910 est l’année de la fondation par Privat de Institut international de l’espéranto, avec sièges à Genève, Paris et New York. En 1920, il prend la rédaction de la revue Esperanto, qu’il conservera jusqu’en 1934. Il est également président de SES de 1921 à 1927 et de l’UEA de 1925 à 1928.

Hans Jakob

Hans Jakob

D’origine allemande, Hans Jakob débute en 1913 sa longue carrière au service de l’UEA comme employé au Bureau central de Genève. Pendant la 1re guerre mondiale, il met sur pied le Service d’aide en temps de guerre (DH) – service transmettant le courrier entre espérantistes de pays belligérants et faisant parvenir de l’argent et des colis aux espérantistes prisonniers de guerre. Après la guerre, Jakob devient secrétaire général de l’UEA, puis directeur de 1923 à 1934.

 

 

 

Les débats officiels

Après une année à Berne, le bureau de l’UEA revient s’installer à Genève en 1920 (au boulevard du Théâtre, puis dès 1929 à la Tour de l’Ile). Cette année voit également la fondation du Club genevois gymnasien. Mais 1920 est surtout l’année qui voit s’ouvrir à la Société des Nations (SdN) un débat sur l’espéranto qui occupera la nouvelle organisation internationale pendant 4 années. À l’initiative de Privat, 11 délégués présentent à l’Assemblée de la SdN un projet de résolution en faveur de l’espéranto, proposant notamment de lancer une enquête sur la langue internationale. D’abord rejeté, le projet d’enquête est accepté l’année suivante par l’Assemblée. Sur cette base, le Secrétariat de la SdN publie en 1922 un rapport qui sera officialisé par l’Assemblée ; mais le projet de résolution y relatif échouera en commission en 1923. Puis le débat sera clos en 1924 par l’approbation d’une résolution reconnaissant l’espéranto comme langue agrée pour la télégraphie.

Durant l’année scolaire 1921-1922, un enseignement expérimental obligatoire de l’espéranto est introduit dans toutes les classes de 7e primaire du canton de Genève. Cette expérience sera répétée en 1928-1929.

1922 voit se tenir à Genève la 1ère Conférence internationale sur l’enseignement de l’espéranto, organisée par Pierre Bovet, fondateur de l’Ecole des sciences de l’éducation ; une centaines de délégués de 28 pays y participent, dont des représentants de 16 gouvernements. En 1922 toujours est créé le Comité central international du mouvement de l’espéranto, un organe paritaire des sociétés nationales et de l’UEA, chargé notamment de l’organisation des congrès. Avec son siège à Genève – à la rue du Mont-Blanc, ce Comité composé de 6 membres sera présidé par Privat de 1923 à 1928. Cet organe sera supprimé en 1932, les sociétés nationales accédant l’année suivante au statut de membres collectifs de l’UEA.

Le 17e Congrès universel d’espéranto se tient de nouveau à Genève – au Bâtiment électoral et au Victoria Hall – en 1925, avec 953 participants et la 1re session de l’Université d’été en espéranto. L’Association pour une langue auxiliaire internationale (IALA) organise cette même année sa 1ère conférence d’explorations linguistiques également à Genève (la 2e aura aussi lieu à Genève, en 1930). Enfin, c’est en 1925 que l’UEA atteint le nombre record de 9424 membres individuels.

En 1928, Privat donne à la Faculté des lettres de l’université de Genève un cours de 2 ans d’histoire et méthodes d’enseignement de l’espéranto.

C’est en 1930 que Madeleine Stakian-Vuille commence sa longue activité au service de l’espéranto à Genève, en fondant un chœur espérantiste. Puis elle est employée au bureau de l’UEA de 1934 à 1936 ; rédactrice de La Semanto – le bulletin du mouvement espérantiste ouvrier ; présidente de La Stelo (entre 1957 et 1994) et rédactrice de son organe Brasikfolio. Elle est également connue pour ses poèmes originaux et traduits.

Bibliothécaire au bureau de l’UEA de 1931 à 1932, Henri Vatré est un spécialiste de la littérature en espéranto, ainsi que poète à ses heures. Il gérera également la bibliothèque de La Stelo, qui sera donnée à la Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds en 1967. Cinq ans plus tard, La Stelo rétablit sa propre bibliothèque.

La crise et les guerres

La crise financière qui secoue l’UEA entraîne en 1934 la non-réélection de Privat au comité directeur, ce qui conduit Stettler et Jakob à démissionner de leurs postes. Désireux de déplacer le siège de l’UEA dans un pays où la vie est moins chère, mais confrontés à des obstacles juridiques, les nouveaux dirigeants décident en 1936 de fonder la Ligue internationale de l’espéranto (IEL) avec siège en Grande-Bretagne, à laquelle se ralient la plupart des membres (individuels et sociétés nationales). Jakob refait alors fonctionner le bureau genevois de l’UEA, sous le nom de Centre de service, installé au Palais Wilson de 1937 à 1942. Dès le début de la 2e guerre mondiale, il organise l’Entraide espérantiste, le pendant du DH de la 1ère. Jakob est également directeur de l’UEA genevoise (présidée par Karl Max Liniger de 1936 à 1941), rédacteur de la revue Esperanto de 1942 à 1955, pour finir membre du comité directeur de l’UEA (réunifiée avec l’IEL) de 1947 à 1955.

De la douzaine de sociétés locales ayant fleuri à Genève – coordonnées au début par un Comité central genevois présidé par de Saussure – seule La Stelo survécut à la tourmente des 2 guerres mondiales. Outre par son fondateur Henri Dubois, La Stelo a notamment été présidée par Lyda Raviola-Nussbaum (à plusieurs reprises), Emile Curtenaz, René Petitpierre (en 1944) et Alfred Rehmann, avant que Madeleine Stakian ne reprenne le flambeau en 1957.

En 1948, Paul Bouvier anime le premier cours d’espéranto à Radio Genève.

Le bulletin et les réunions périodiques

Brasikfolio, le bulletin de La Stelo, paraît dès 1964, à raison de 7 à 12 numéros par an (la fréquence de parution diminuera en 2010). Son nom – signifiant « feuille de chou » – est une idée de Claude Piron. Ses rédacteurs successifs sont Anita Altherr-Masè (1964-1966), Hans Altherr, Madeleine Stakian (à plusieurs reprises), Andres Bickel (de 1974 à 1978 et de 1994 à 1996), Jean Rawyler (1996 et 1999), Louis Vidonne (1997-1998), Christiane Sixtus (dès 2000), puis Lucien Dahan. En 1964 également, Anita Altherr devient présidente de La Stelo ; Hans Altherr lui succède en 1967, suivi par David Buhlmann en 1970.

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Le premier Brasikfolio en 1964

(cliquez sur la légende pour télécharger le numéro)

Claude Piron

Claude Piron

En 1965 commence la longue période des réunions mensuelles de La Stelo à l’Institut national genevois (jusqu’en 1972, puis de 1974 à 1996). Auparavant, des réunions hebdomadaires se tenaient au Collège Moderne. Quant à la traditionnelle fête Zamenhof, elle a lieu chaque année au restaurant sans alcool de la Gare (jusqu’en 1972 et de 1975 à 1981), puis au restaurant International (de 1982 à 1996).

Armand Cotton et Claude Piron deviennent coprésidents de La Stelo en 1972. Ce dernier est connu internationalement en tant qu’auteur de plus de 20 livres en espéranto ; il fut rédacteur de la revue Svisa Espero de 1963 à 1966. En 1977, il donne à l’Université de Genève un cours d’espéranto pour enseignants. Et il animera notamment un cours d’espéranto à la Maison de quartier de Plainpalais, sans interruption de 1999 à 2008. De 1972 à 1974, les réunions de La Stelo ont lieu au Centre Marignac à Lancy.

En 1974, Madeleine Stakian reprend la présidence de La Stelo pour 20 ans. Christiane Sixtus Pot lui succédera en 1994, suivi par Andres Bickel de 1995 à 1998. Ce dernier présida la Jeunesse espérantiste suisse (1974-1980), rédigea le bulletin Espéranto-Réalités (paru de 1982 à 1985 et édité par le Centre genevois d’information sur l’espéranto) et organisa 2 week-ends culturels à Genève (1976 et 1978). Il fut cofondateur de la troupe de théâtre et de chant La Vagabondoj en 1977, puis rédacteur de Svisa Esperanto-Revuo de 1988 à 1990.

De 1982 à 1984 la coopérative Literatura Foiro (« Foire littéraire »), éditant notamment la revue du même nom, a son siège à Genève, où elle organise en 1983 le 3e Forum littéraire international.

Les manifestations publiques

Le 1er stand d’espéranto au Salon du Livre a lieu en 1990 ; il sera reconduit l’année suivante. Puis dès 2004, il est organisé pendant plusieurs années par Charmian Common et Marie Zoller, notamment avec l’association Espéranto-Genève-Régions, fondée en 2008 et ayant son siège à St-Genis-Pouilly.

En 1998, La Stelo se retrouve sans comité mais poursuit son activité, notamment ses réunions mensuelles. Cette même année débute une longue série de cours d’espéranto à l’Université populaire (jusqu’en 2013), donnés notamment par Lucien Dahan. Egalement en 1998 se tient au Palais des Nations un symposium « Langue et droits de l’homme » organisé par l’UEA – à l’occasion des 90 ans de sa fondation – pour célébrer les 50 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Beletra kolekto de Ĝenevaj aŭtoroj

Beletra kolekto de Ĝenevaj aŭtoroj

De 1999 à 2004, les réunions mensuelles de La Stelo se tiennent au restaurant Les Cheminots. Dès 2002, Charmian Common anime au même endroit les réunions hebdomadaires du Groupe du lundi. Quant aux réunions mensuelles, elles se tiendront ensuite à la gare Cornavin (2005-2007), puis dès 2008 à la Maison des Associations.

Dès l’an 2000, à l’instigation d’Armand Cotton, la librairie Harmonie vend en permanence des livres sur l’espéranto.

En 2003, une manifestation d’espérantistes contre la barrière des langues est organisée devant le Palais des Nations.

2005 voit La Stelo se pourvoir de nouveau d’un comité avec Arlette Di Vetta-Mouron comme présidente.

Beletra kolekto de Ĝenevaj aŭtoroj

En 2007, à l’occasion de l’assemblée générale de SES tenue à Genève, La Stelo organise la vente aux enchères des ouvrages de sa bibliothèque. Puis La Stelo met sur pied un concours pour jeunes lancé grâce au legs d’Anne-Marie Briner (qui fut sa bibliothécaire de 1988 à 1994), avec des prix totalisant 8500.- francs. 100 inscrits au concours apprennent l’espéranto par leurs propres moyens en 6 mois.

Ensuite, La Stelo se lance dans l’édition de 2 livres. En 2011 paraît « Beletra kolekto de Ĝenevaj aŭtoroj », textes et poèmes choisis de Madeleine Stakian-Vuille, Henri Vatré et Claude Piron. En 2013 suit « De la aflikto ĝis la steloj », mémoires d’Ardachès Stakian, réfugié arménien et époux de Madeleine Stakian.

En 2014, Anita Altherr reprend la présidence de La Stelo pour la confier en 2015 à Mélanie Maradan, lauréate du concours en 2008.